Para não esquecer...

CRISTINA BRANCO, a pura voz do fado

Do Le Monde de hoje, uma crónica cultural de Francis Marmande. Transcrevo-a em francês, como no original:

Cristina Branco, l’amour matelot

La voix stricte, tendue, la pure voix du fado s’appelle Cristina Branco. Jeune femme, cheveux noirs, mère aux airs d’adolescente qui saurait, elle est d’une beauté qui prévient sa voix. A chaque océan, son chant d’amour, de misère, et de matelots qui fichent le camp : le blues au bord du Mississippi, la saudade au Brésil, au sud du Sud le cante jondo (chant profond du flamenco) : et là où finissent les terres, au Portugal, on le nomme le fado. Affaire atlantique. Un philosophe ancien a eu beau avertir : « En ce monde, on dénombre les hommes, les femmes, et ceux qui vont sur la mer », l’humanité ne s’y est jamais faite. Pourquoi tant de femmes à relancer ce cri ?

Du haut de sa petite taille aux longs cheveux noirs, Cristina Branco, visage révulsé vers les cintres, yeux clos, bouche balayée par le phare du rire, tient le haut du fado. Comme Piaf ou Rollins, la scène la grandit à l’extrême. Qu’elle se juche sur ses hauts talons qu’on ne voit même pas sous l’immense robe de femme toujours en deuil ou qu’elle les jette au rappel, elle a cette stature qu’elle n’a pourtant pas. Son récital monte en crise, sans que jamais pointe l’hystérie où se perdent les larmes. A la fin, comme un adieu, elle chante rituellement l’amour matelot, l’amour des hommes qui n’en finissent pas de partir (Meu amor é marinheiro).

Jeu de scène réduit à l’essentiel : elle empoigne le micro, sourit ou pleure aux étoiles, glisse de la guitare portugaise au piano et du piano à la guitare basse comme pour inciter ces hommes simples qui ne la ramènent pas. Tiens, un pas de danse, ou bien une onde des bras nus. Tout se bande dans les bras, dans la voix, dans la colonne d’air verticale, le timbre coloré aux harmoniques étranges, graves et sopranos à la fois. Elle se porte à hauteur de drame de ces chanteuses folles, dans les montagnes, qui insultaient aux morts. Soudain sort du bois une fable guillerette qu’eût pu chanter Greco (Sete pedaços de vento). Un vieux tango pointe son nez sous les voiles (Agua e mel), puis un samba venu d’ailleurs (Formiga bossa
nova).

Le fado la chante plus qu’elle ne le chante et se met à chanter deux fois : la première quand ça déclenche, quand l’esprit supérieur s’empare de la voix, la seconde, au rappel (centième minute). Elle chante les poètes, la tête prolonge les cheveux qui tombent des nuages, elle chante Maria, Lisbonne, sa voix de détresse. Un album, un film en témoignent (Cristina Branco : Live). Ce qui ne suffit pas à la présence. Cristina Branco est la dernière imprécatrice douloureuse de présence, de présence en scène, la voix nue.

Au Bataclan, l’autre soir (le 9 janvier), portée par un auditoire qui provoque le chant qu’elle déclenche seule, sans recours de promo, de gogos, de bobos, elle sort de ses gonds au moment voulu. C’est d’un autre ordre. Il n’a pas manqué de se produire un événement vital sans importance. Au 8e rappel qui n’avait rien de ces rappels qu’exige un public puérilement avide de son bonus, elle attaque une chose terrible, un fado de fierté et d’amour creusé dans le silence du cri. Et là, du parterre, entre deux phrases terribles, jaillit soudain l’effrayante corne de brume d’un cargo en perdition : un spectateur se mouchait. Trompe de Jericho glaireuse, trompette marine si la trompette marine n’était un instrument à corde unique, terrifiant boucan de mouchoir, de souffle, de forge, flatulence barine. Le tout, le plus naturellement du monde.

On peut le voir comme un bruit incongru dans la cérémonie, un aboiement de chien dans le temple, Grock au funérarium. Non : c’était l’hommage impossible du vice à la vertu, des trivialités actuelles à l’exigence antique, de la médiocrité à la grâce, la dernière chance.
escrito por ai.valhamedeus

2 comentário(s). Ler/reagir:

Anónimo disse...

Também gosto da Cristina Branco. Sem dúvida que no género fado está entre as melhores vozes nacionais. Quanto ao artigo, para compreender tanta adoração dos gauleses, que normalmente são muito parcos de elogios em relação a tudo o que não seja francês,talvez o facto de Cristina Branco também cantar e ter músicas gravadas em língua francesa tenha ajudado.
(Amenophis)

Anónimo disse...

A Cristina Branco não canta só fado. É sobretudo uma grande cantora portuguesa.